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Une nouvelle révolution est en cours et remet en cause tout ce que nous pensions être : le microchimérisme ! Les scientifiques ont découvert que les milliards de milliards de cellules qui nous composent ne portent pas toutes le même ADN. Nous portons des cellules qui nous sont étrangères.

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Nous avons tous été une cellule, puis deux, quatre, huit, puis des milliers de milliards de cellules. Puis nous sommes nés. À notre naissance, notre corps a été colonisé par une, puis deux, puis quatre, puis des milliers de milliards de bactéries. À notre naissance, nous sommes devenus des êtres hybrides, moitié humains, moitié microbiens.

Mais depuis quelques années, les scientifiques ont fait une découverte encore plus incroyable. Parmi ces milliers de milliards de cellules qui nous composent, certaines d’entre elles nous sont étrangères. Aussi fou que cela puisse paraître, nous naissons avec des cellules qui ne nous appartiennent pas. Nichées dans nos cerveaux, dans notre moelle épinière, dans nos cœurs, dans nos estomacs, dans nos pancréas, nous hébergeons des cellules qui possèdent un ADN porteur d’une information génétique différente de la nôtre.

C’est donc avec le micro-chimérisme que nous poursuivons notre exploration du mystère de la naissance. Zoé Varier est allée rencontrer Nathalie Lambert, directrice de recherche à l’INSERM, pour tenter de comprendre ce qu’est le micro-chimérisme et en quoi cela bouleverse notre compréhension du corps humain.

Mais d’où viennent ces cellules ? À qui appartiennent-elles ?

Il aura fallu plusieurs années de travail acharné pour que Nathalie Lambert réussisse à trouver des outils qui permettent de quantifier la présence de cellules chimeriques dans nos corps. C’est in utero que ce ballet de cellules a lieu. Lors de la grossesse, des cellules d’origine fœtale migrent dans le corps de la mère et de la même façon, des cellules maternelles migrent dans le corps du fœtus.

Lors de la grossesse, la mère et son fœtus s’échangent des cellules qui vont s’implanter durablement dans leurs organismes. Et ce phénomène de migrations est lié au placenta. Ce dernier n’est donc pas une barrière totalement hermétique. Lee Nelson, la grande spécialiste américaine du micro-chimérisme avec laquelle Nathalie Lambert a travaillé, compare le placenta à un passage frontalier sélectif. Le placenta laisse passer quelques cellules d’origine maternelle dans le corps du fœtus et quelques cellules d’origines fœtales dans le corps maternel.

Schéma micro-chimérisme.Schéma micro-chimérisme. – © Nathalie Lambert

Des cellules de nos mères vivent en chacun de nous
On a d’abord découvert que les mères peuvent être habitées par les cellules de leurs enfants. Puis on a découvert que les enfants portaient aussi des cellules de leurs mères. Dit autrement, des cellules de nos mères vivent en nous. Et ça, que l’on soit une femme ou un homme. Nathalie Lambert insiste sur le fait que les hommes sont tout autant concernés par le micro-chimérisme que les femmes.

Mais les cellules d’origine fœtales et les cellules d’origine maternelles sont-elles les seules à traverser le placenta ? Quelles autres cellules étrangères peut-on croiser in utero ?

Le micro-chimérisme révolutionne la conception que l’on avait de nos corps et la définition que nous avions de nous-mêmes. Nathalie Lambert est convaincue que le micro-chimérisme révolutionnera la médecine de demain, et qu’à l’avenir on apprendra à apprivoiser les cellules chimériques.

Tout commence in utero. Nous venons tous de là. Nous avons tous été une cellule, puis deux, quatre, huit, puis des milliers de milliards de cellules. Et parmi ces milliers de milliards de cellules, certaines nous sont étrangères. Nous sommes tous des micro-chimères.

Dans l’épisode précédent, Zoé Varier expliquait que dans son corps, il y avait des cellules de sa fille, de sa mère et très probablement même des cellules de sa grand-mère. Nathalie Lambert, directrice de recherche à l’INSERM, nous explique dans cet épisode que ce n’est pas tout, que nous sommes des êtres pluriels, bien plus riches encore que ce qu’on peut imaginer. Nous serions aussi biologiquement constitués d’une petite partie de tous ceux qui nous ont précédés in utero.
Cellule chimérique d’une jumelle évanescente chez un homme.Cellule chimérique d’une jumelle évanescente chez un homme. – Au sein des cellules masculines (XY) vertes, on distingue une cellule féminine (XX) rouge, désignée par une flèche.

Nathalie Lambert met beaucoup d’énergie à transmettre sa passion du micro-chimérisme. Aux États-Unis, à la fin des années 1990, elle a commencé à travailler sur ce sujet. Quand elle est revenue en France au début des années 2000 et qu’elle a voulu continuer ses recherches sur nos cellules chimériques, elle n’a pas été très bien accueillie. Le micro-chimérisme semblait à l’époque un sujet trop novateur de ce côté-ci de l’Atlantique. Elle a donc intégré le laboratoire marseillais d’immunogénétique de la polyarthrite rhumatoïde, pour étudier le lien entre cette maladie auto-immune et le micro-chimérisme.

Ces cellules baladeuses sont-elles des anges ou des démons ?

Ces cellules chimériques peuvent semer la zizanie, brouiller les cartes et laisser les chercheurs perplexes. Elles peuvent fausser les tests de paternité. Lise Barnéoud, journaliste scientifique, donne l’exemple de cette femme, Mme K, qui a des cellules de deux groupes sanguins différents. On n’avait encore jamais vu ça.

Les scientifiques ne connaissent pas encore exactement le rôle de ces cellules chimériques. C’est une recherche qui est en cours. Il semblerait qu’elles soient capables du pire comme du meilleur. On pense par exemple que les cellules d’origine fœtales pourraient avoir un rôle réparateur, régénérateur. Si les cellules d’origine fœtales peuvent venir sur les zones lésées du corps, est-ce que cela signifie qu’il existe un signal pour appeler spécifiquement ces cellules chimériques à l’aide ? C’est une des nombreuses questions que les chercheurs continuent à se poser.

RÉFÉRENCES
Dr Geneviève Héry-Arnaud, Ces microbes qui nous veulent du bien – Une bactériologue explore notre univers microbien, éditions Humen Sciences, février 2021
Lise Barnéoud, Les cellules buissonnières – L’enfant dont la mère n’était pas née et autres folles histoires du microchimérisme, éditions Premier Parallèle, 2023
Dr Hugo Bottemane et Dr Lucie Joly, Dans le cerveau des mamans, éditions du rocher, 2022
Nathalie Sage Pranchère, L’école des sages-femmes – Naissance d’un corps professionnel (1786-1917), PUF, 2017
Chantal Birman, Au monde, Ce qu’accoucher veut dire. Une sage-femme raconte… , éditions de la Martinière, 2003

ÉQUIPE

Production : Zoé Varier
Réalisation : Flora Bernard
Documentation : Anna Massardier
Montage : Karen Dehais
Mixage : Basile Beaucaire, Cédric Diallo

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